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Pénalités pour manquement délibéré d’une société : un manquement à prouver
Le Conseil d’État juge qu’est valable la pénalité pour manquement délibéré prononcée à l’encontre d’une société dès lors que l’administration fonde cette majoration sur la connaissance du manquement par son gérant, même si c’est en qualité de gérant d’une autre société contrôlée et redressée pour des faits analogues.
La mise en cause de la réputation d’une société peut justifier l’annulation d’une cession de droits sociaux
L’acquéreur des titres d’une société apprend peu de temps après son engagement que la société et son dirigeant étaient suspectés de harcèlement. Les faits n’avaient pas été rendus public avant la promesse d’achat. Il obtient l’annulation de celle-ci pour erreur sur la réputation et la viabilité de la société.
Une société A promet d’acquérir le contrôle d’une société B, spécialisée dans la communication sur les réseaux sociaux. Peu de temps après l’annonce du rapprochement entre les deux sociétés, le dirigeant de la société B et cette dernière font l’objet, via un compte Instagram « Balance Ton Agency (BTA) », d’attaques visant des faits de harcèlement. La société A demande alors l’annulation de la promesse pour erreur.
Le tribunal de commerce de Paris fait droit à sa demande.
L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant, les qualités essentielles de la prestation étant celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté (C. civ. art. 1132 et 1133, al. 1). L’erreur commise par un contractant a pour effet de dénaturer son consentement car, « s’il avait su », il n’aurait pas contracté ou du moins pas aux mêmes conditions. Il est possible de retenir des éléments de preuve postérieurs au contrat pour prouver l’existence d’une erreur au moment de sa conclusion.
Les faits de harcèlement dénoncés peu après l’annonce du rapprochement n’avaient pas été rendus publics avant la promesse. Les agissements du dirigeant, confirmés par une décision du conseil des prud’hommes, avaient eu pour conséquence de dégrader de manière significative la réputation de la société B. Le fait que la réputation de cette société présentait pour la société A un caractère essentiel de la qualité de l’objet de la cession était clairement illustré par le changement de dénomination de la société B intervenu après la dénonciation des faits de harcèlement. La société B l’avait elle-même reconnu en exposant dans le cadre d’un autre litige « qu’elle ne peut plus communiquer sur sa marque et a dû changer de nom pour poursuivre une activité commerciale ». Les faits avaient également eu pour conséquence d’affecter significativement les résultats et les perspectives de la société, placée par la suite en redressement judiciaire.
Le tribunal en déduit que la réputation et la viabilité de la société B constituaient des qualités essentielles de la prestation, tacitement convenues, et en considération desquelles la société A avait contracté et que l’erreur commise par cette dernière justifiait l’annulation de la promesse d’achat pour erreur.
Observation
Le jugement commenté fournit une illustration originale de la position de la Cour de cassation qui considère qu’il y a erreur sur les qualités essentielles des droits sociaux lorsque l’acquéreur a ignoré, à la date de la cession, que la société n’était plus en mesure de poursuivre l’activité économique constituant son objet social.
T. com. Paris 5-4-2024 no 2021037638
© Lefebvre Dalloz