Le report d'un congé sabbatique n'a pas à être motivé

L'employeur a la faculté de différer un congé sabbatique sans être tenu d'énoncer un motif ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d'absence, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 29 septembre 2021.

Lorsque l’employeur reçoit une demande de congé sabbatique, il doit y répondre, par tout moyen conférant date certaine, dans un délai de 30 jours à compter de la présentation de la demande du salarié. Il peut accorder, refuser ou différer la date de départ. Son absence de réponse dans le délai précité vaut acceptation tacite (article L.3142-30 du code du travail).

Toutefois, sa décision n’est pas discrétionnaire. Le refus ou le report ne sont envisagés que dans des hypothèses bien précises.

Ainsi, si l’employeur peut reporter la date de départ en congé sabbatique donnée par le salarié, il ne peut le faire que pour des raisons limitativement énumérés par le code du travail et qui sont liées à la proportion d’absence pour congé sabbatique ou pour création d’entreprise (articles L.3142-29, D.3142-20 et D.3142-21 du code du travail).

Ces raisons doivent-elles être portées à la connaissance du salarié ?  Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 29 septembre dernier.

Un départ en congé sabbatique reporté d’un mois et demi sans autre forme d'explication

Une salariée employée en qualité de comptable fait, le 24 juin 2016, une demande de congé sabbatique pour la période allant du 26 septembre 2016 au 25 août 2017. Son employeur lui indique, dans un premier courrier reçu par la salariée le 27 juillet 2016, que ce congé ne pourra commencer qu’à compter du 15 novembre 2016, puis dans un second courrier en date du 23 septembre 2016, que ce report est justifié par la clôture de l’exercice comptable.

Absente sans motif de son poste de travail depuis le 26 septembre, date qui correspond à la date initiale de départ souhaitée par la salariée, elle est licenciée pour abandon de poste le 10 novembre 2016.

Estimant que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la salariée saisit le conseil de prud’hommes. Elle soutient que le report de son congé sabbatique est irrégulier car non motivé, l’employeur ne lui ayant donné aucune explication dans le courrier l’informant du report.  Elle estime, dès lors, que la décision de l’employeur ne lui est pas opposable et que son absence est justifiée par son départ en congé sabbatique.

Un motif de report, ultérieurement notifié, distinct de ceux prévus par le législateur

Les juges d’appel lui donnent gain de cause. Ils jugent que le report du congé sabbatique est irrégulier au motif que l’employeur justifie sa décision de report par un motif distinct de ceux mentionnée à l’article L.3142-96 du code du travail (devenu l’article L.3142-29, voir ci-dessus).

En effet, ils retiennent que l’employeur avait indiqué à la salariée, ultérieurement au courrier l’informant de ce report, qu’il ne pouvait satisfaire à sa demande à cette période de l’année compte tenu de la clôture de l’exercice comptable. Or selon eux, ce motif n’est pas valable car il ne correspond aux hypothèses de report limitativement énumérées par le législateur (voir ci-dessus).

A tort, selon l’employeur qui soutient qu’il peut, sans motiver sa décision et pour quelque raison que ce soit, différer le départ en congé sabbatique du salarié dans la limite de 6 mois et que cette faculté est distincte de celle prévue par l’article L.3142-96 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, qui prévoit une possibilité de l’employeur de différer le départ du salarié en congé sabbatique sans limitation de durée, mais pour des motifs limitativement énumérés.

Reporter sans motiver, c'est possible 

La Cour de cassation donne gain de cause à l’employeur. Selon elle, il résulte des textes que l’employeur a la faculté de différer le congé sabbatique, dans la limite de six ou neuf mois, selon l’importance de l’effectif de l’entreprise, sans être tenu d’énoncer un motif, ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d’absence.

En l’espèce, en informant la salariée que son congé ne pourrait débuter que le 15 novembre 2016 au lieu du 26 septembre 2016, l’employeur n’a pas méconnu les règles applicables car il lui impose un report de moins de six mois comme l’y autorise les textes.

Ne pas être tenu de motiver ne veut pas dire être autorisé à s’affranchir des motifs de report

En d’autres termes, il suffit à l’employeur d’indiquer au salarié que son congé sabbatique est reporté, sans aucune explication, et de lui fournir la date de ce report. Toutefois, cela ne signifie pas que l’employeur est autorisé à s’affranchir des motifs de reports admis par le code du travail. Ce n’est qu’en cas de contentieux, qu’il devra justifier de la légitimité de sa décision et s’il s’avère que le pourcentage de salariés simultanément absents (ou que le nombre de jours d’absence) est en deçà des seuils fixés par la loi ou l’accord collectif, le report du congé pourra alors être jugé irrégulier.

  

Par  Karima Demri

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