Quand les ONG attaquent les entreprises pour greenwashing

Les caractéristiques environnementales des produits ou services vendus sont-elles réelles ? Si ce n’est pas le cas, les entreprises s’exposent à des plaintes pour greenwashing. La loi climat, qui ne change pas fondamentalement la donne en la matière, a largement augmenté les peines encourues.

« Il y a une tendance de plus en plus forte des ONG à attaquer les entreprises sur le greenwashing, avec de la pure communication ou des actions judiciaires », constate Gwladys Beauchet, associée chez DS Avocats en droits social et de l’environnement, qui définit l’éco-blanchiment comme « une méthode marketing qui vise à communiquer au public en utilisant l’argument écologique de manière trompeuse ». En France, on se rappelle des plaintes de Sherpa contre Samsung et Auchan. Plus récemment, la CLCV (consommation, logement, cadre de vie) a lancé trois contentieux de ce type en 2021. L’association reproche à Nespresso et Volvic l’emploi des termes « neutre en carbone » et « 100 % recyclable » pour qualifier respectivement leurs capsules de café et bouteilles d’eau.

« Leur neutralité carbone se fonde sur la compensation carbone. L’objet du contentieux n’est pas de critiquer ce mécanisme mais quand on fait de la neutralité carbone un argumentaire commercial, il faut quand même s’entourer de nuances importantes », estime François Carlier, délégué général de l’association. Il déroule le même raisonnement pour le volet recyclable : « Tout est dans le “able”Le taux de recyclage effectif des bouteilles en plastique n’est que de 60 % aujourd’hui et les bouchons et étiquettes ne se recyclent pas. Ces entreprises n’expliquent pas aux consommateurs que le théorique et la réalité sont différents. Ils devraient apporter des nuances ». « Est ce que le consommateur est raisonnablement avisé ? Nous ne pensons pas. Ce sera au juge de l’apprécier », récapitule-t-il.

Les plaignants mobilisent la notion de pratique commerciale trompeuse, définie par l’article L121-2 du code de la consommation comme notamment des « allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ». L’écoblanchiment pouvait déjà relever de la pratique commerciale trompeuse en théorie mais la loi climat et résilience l’écrit noir sur blanc. Il est désormais indiqué que les allégations peuvent porter sur « les caractéristiques essentielles du bien ou du service [...] ses propriétés, les résultats attendus de son utilisation, notamment l’impact environnemental ». Aussi, cette loi du 22 août 2021 majore les peines quand l’assertion est environnementale : l’amende peut atteindre 80 % du chiffre d’affaires (article L132-2).

Rapports et sites internet 

La Commission européenne a passé au crible des sites web : la moitié des allégations environnementales ne sont pas étayées par des preuves.

« Cela faisait longtemps que l’on savait que la problématique allait venir, puisque les entreprises sont poussées à annoncer des objectifs environnementaux. Au début, il s’agissait de communications corporate, cela ne relevait donc pas du commercial, puis cela a débarqué dans notre champ », raconte François Carlier, qui défend les consommateurs.

Greenpeace France a un périmètre plus large. Sa responsable juridique Laura Monnier analyse alors : « Les entreprises ont développé beaucoup d’outils pour communiquer sur leur respect des droits de l’Homme et l’environnement (guide de conduite, rapport de gestion, rapport annuel, site Internet, etc.). Donc, proportionnellement, les associations peuvent davantage utiliser ces supports pour saisir la justice ». Elle fait ici référence aussi bien à l’utilisation des juridictions correctionnelle et civile – que l’ONG n’a pas encore saisies pour le moment pour ce type d’affaire – qu’à la soft law, puisqu’il existe un jury de déontologie publicitaire. Cette instance non juridictionnelle peut émettre des avis, Greenpeace France y a fait appel plusieurs fois.

Méthodologie

« Avec ces procédures, on cherche avant tout à décrédibiliser une démarche. Le débat est surtout sur la communication, avant d’être judiciaire. L’objectif pour les ONG est d’impacter l’image de l’entreprise », croit Gwladys Beauchet, qui conseille les entreprises.

Quelle défense celles-ci empruntent-elles ? « Il faut démontrer la véracité, et donc l’absence de tromperie. Cela demande une analyse très stricte de la communication et de la méthodologie sur laquelle elle se base », explique l’avocate.

Selon elle, les entreprises pourront désormais s’aider de l’éco-score ou l’affichage environnemental, introduits par la loi climat. Ces outils se fonderont sur une méthodologie connue et reconnue, les entreprises qui les utiliseront pourront donc les mobiliser pour prouver la véracité de leurs propos.

D’après l’avocate, en édifiant des indices et des critères permettant de qualifier une activité de durable ou non, le règlement européen sur la taxonomie sécurisera aussi les entreprises. Elle l’observe chez ses clients : ce sujet, comme d’autres, pousse les services communication à davantage associer les juristes d’entreprise à leur travail.

 

Par Pauline Chambost

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