Salarié protégé : précision sur le point de départ de l'indemnité pour violation du statut protecteur

Si l'employeur n'a formé aucune demande de restitution de l'indemnité compensatrice de préavis, le point de départ de l’indemnité pour violation du statut protecteur doit être fixé à la date du licenciement, et non à la date de fin du préavis.

Si l'employeur n'a pas demandé d'autorisation de licenciement pour un salarié protégé, et que ce dernier demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration. Mais quelle est cette date d'éviction lorsque le salarié a été dispensé de préavis et a touché une indemnité compensatrice à ce titre ? C'est à cette question que répond la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, dans un arrêt du 9 juin 2021.

Licenciement en violation du statut protecteur

Dans cette affaire, une femme de chambre se présente aux élections professionnelles de son hôtel. Elle est élue le 7 décembre 2009 mais deux jours avant, le 5 décembre, elle reçoit une lettre de licenciement pour motif économique. L'employeur n'ayant pas respecté la procédure protectrice, elle se prévaut du statut protecteur accordé aux candidats aux élections professionnelles et demande la nullité de son son licenciement ainsi que sa réintégration devant le conseil de prud'hommes le 1er octobre. Par jugement du 11 octobre 2012, le licenciement est annulé et la réintégration prononcée. En outre, la salariée est indemnisée au titre de la violation de son statut protecteur.

Contestation du point de départ de l'indemnité pour violation du statut protecteur

L'employeur conteste cette indemnité au motif que la salariée a été dispensée d'effectuer son préavis et a touché une indemnité compensatrice à ce titre. Pour lui, le point de départ de l'indemnisation devrait être le 10 février 2010 (date de fin du préavis non-effectué) et non le 5 décembre 2009 (date de son licenciement). Il avance les deux arguments suivants :

  • en cas de nullité du licenciement, le salarié qui obtient sa réintégration ne peut prétendre aux indemnités de rupture ;
  • l'indemnité compensatrice de préavis est devenue sans cause du fait de l'effacement des effets du licenciement par la réintégration effective du salarié.

 Remarque : la jurisprudence de la Cour de cassation précise en effet que l'indemnité forfaitaire n'est pas cumulable avec les indemnités de rupture dès lors que le contrat de travail du salarié se poursuit par réintégration (Cass. soc., 28 avr. 2006, n° 03-45.912).

Pas de demande restitution de l'indemnité compensatrice de préavis 

La Cour de cassation commence par rappeler les règles applicable en la matière : "Il résulte de l’article L. 2411-10 du code du travail que lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration."

Puis il constate que "l’employeur n’a formé aucune demande de restitution de l’indemnité compensatrice de préavis", et que "la salariée avait été licenciée le 5 décembre 2009". La Cour en déduit que "le point de départ de l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur devait être fixé à cette date". En d'autres termes, si l'employeur n'effectue aucune demande de restitution de l'indemnité compensatrice de préavis, le point de départ de l'indemnité pour violation du statut protecteur reste fixé à la date du licenciement, et non à la date de fin du préavis non-effectué.

Pas d'arrondi de l'indemnité pour violation du statut protecteur

D'autre part, le juge a constaté que 89 mois séparaient la date de licenciement de la salariée, le 5 décembre 2009, et la date de sa réintégration effective en mai 2017, mais il a "arrondi " l'indemnité à 90 fois le montant du salaire mensuel. La Cour de cassation censure la cour d'appel, toujours sur le fondement de l'article L. 2411-10. Il faut appliquer le texte strictement, c'est donc 89 mois de salaires qui sont dus à la salariée protégée illégalement licenciée et réintégrée plus de 7 ans plus tard.

► NDLR : rappelons qu'en cas de licenciement en violation du statut protecteur c'est-à-dire sans autorisation, lorsque le salarié a demandé sa réintégration pendant la période de protection,l'indemnité est forfaitaire. Son montant n'est donc pas limité à la période de protection et l'on ne déduit pas les sommes que le salarié aurait pu percevoir de tiers (notamment les salaires perçus chez un autre employeur pendant la période d'éviction). Si la réintégration tarde, l'indemnité peut donc rapidement chiffrer. Dans cette affaire, c'est plus de 160 000€ qui sont dus à la femme de chambre.

 

Par Séverine Baudouin

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