Crise énergétique : appel à la mobilisation générale

Lancée lundi 10 octobre, la campagne « chaque geste compte » engage les acteurs économiques à définir leurs mesures de sobriétés. L’abaissement des températures de confort et autres efforts sur l’éclairage seront nécessaires pour surmonter la crise d’approvisionnement énergétique.

Branle-bas de combat. Pas moins de huit ministres ont présenté, jeudi 6 octobre, un plan de sobriété taillé pour passer l’hiver. Objectif : limiter les risques de pénurie de gaz et plus encore d’électricité. « Il faut une mobilisation de tous ceux qui le peuvent », a insisté Xavier Piechaczyk, président du directoire du gestionnaire de réseau RTE : les Français, mais aussi les acteurs économiques. À deux décrets près, publiés ce même 6 octobre pour interdire l’éclairage nocturne de certaines publicités (voir brève ci-dessous) et l’ouverture des portes des bâtiments chauffés (voir édition de demain), l’exécutif fait d’abord le pari des engagements volontaires. Après plusieurs mois de concertation, quinze mesures phares ont été réunies dans une charte que chaque entreprise, administration ou fédération professionnelle est appelée à adapter et à s’approprier.

D’abord le thermomètre

« Chaque geste compte », selon le message de la campagne officielle lancée lundi 10 octobre. Pour autant, tous n’ont pas la même efficacité. La priorité est sans conteste d’apprendre à respecter les températures de consigne qui figurent dans la loi mais n’ont jamais été appliquées ! En règle générale, un bâtiment doit être chauffé à 19 degrés (ou climatisé à 26 degrés en période estivale). La charte conseille d’abaisser cette température à 16 degrés la nuit et à 8 degrés à partir de trois jours d’inoccupation. À cela s’ajoutent des options répondant aux cas particuliers de chaque activité. Le secteur du commerce s’est engagé à aller jusqu’à 17 degrés quand le réseau électrique est en tension (signal Écowatt rouge, voir notre article). Les fédérations représentant les hôtels et la restauration conseillent à leurs adhérents d’appliquer cette consigne dès qu’une salle est inoccupée.

L’importance du dialogue social

Côté température toujours, la baisse des consommations passera aussi par un meilleur réglage des chauffe-eaux qui ne doivent pas dépasser 55 degrés. Avant cela, mieux vaut par ailleurs s’interroger sur l’utilité de l’eau chaude sanitaire qui sera par exemple coupée cet hiver dans les administrations quand elle ne sert qu’à se laver les mains. Plus globalement encore, le secrétaire général d’Orange, Nicolas Guérin, estime qu’il faut s’interroger sur l’optimisation des bâtiments et peut-être sur la fermeture de ceux qui sont peu utilisés… avec « un dialogue social au plus proche des intéressés et des métiers, insiste-t-il. Région par région car on ne chauffe pas de la même manière au nord et au sud. Nous devons aussi communiquer sur les bilans des mesures. Dire à nos salariés quel est l’impact de ce qu’ils font ».

Le retour des 110 km/h

Cette même approche est défendue par le ministre du Travail Olivier Dussopt qui estime que si la la sobriété est « une nécessité, elle peut aussi être une chance pour gagner en compétitivité en réduisant nos dépenses et parce qu’on crée un dialogue nouveau. Quand on parle de température ou d’aménagement des locaux, on parle des conditions de travail ». Sans doute chaque entreprise devra-t-elle prouver à ses collaborateurs que leur confort thermique n’est pas le seul paramètre de l’équation. Elles sont attendues par exemple sur le transport. Sur les trajets domicile-travail, l’État employeur va porter son forfait « mobilités durables » de 200 à 300 euros par an. Il demandera parallèlement à ses agents de ne plus dépasser 110 km/h sur autoroute lors de leurs déplacements professionnels, le temps perdu étant compté dans le temps de travail. Les entreprises du secteur privé devront suivre le mouvement. « Jusqu’à fin 2023, la prise en charge par l’employeur du forfait de transport en commun ou de service public de vélo (partagé ou en leasing) au-delà des 50 % minimum et jusqu’à 75% sera exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations pour les salariés », rappelle entre autres le plan du gouvernement.

Une première marche

S’ajouteront des mesures sur l’éclairage, la suppression des écrans non essentiels, le développement du télétravail, l’efficacité énergétique des équipements industriels… « Beaucoup de ces mesures pourraient sembler évidentes mais depuis le premier choc pétrolier, elles nous étaient un peu sorties de la tête », reconnaît Patrick Martin, président délégué du Medef. Si au-delà de cet hiver, la France veut tenir ses engagements climatiques, l’enjeu est cette fois-ci d’installer chaque geste dans la durée. Et à l’avenir de faire beaucoup plus. « La sobriété énergétique, ce n’est pas consommer moins et faire le choix de la décroissance. C’est éviter les consommations inutiles et ne pas consommer tous au même moment », considère Élisabeth Borne. Une déclaration à laquelle chacun aimerait croire. Mais qui laisse dubitatif les spécialistes de la sobriété. « Il y a quelques mois, peu d’entre nous étaient familiers de ce concept », reconnaît la première ministre. Attention à ne pas pêcher par orgueil en croyant avoir déjà tout appris.

 

Olivier Descamps

© Lefebvre Dalloz