Crise énergétique : de nouvelles mesures pour soutenir les entreprises et les collectivités

Les fournisseurs s'engagent à proposer des contrats de fourniture d'énergie dans les meilleures conditions possible ou favoriser la mise en place de facilités de paiement. De son côté, l'Etat va mettre en place une garantie sur les cautions bancaires et plafonner le prix de l'électricité pour les producteurs pour doubler les aides aux entreprises.

L’Europe traverse une crise majeure, qui a fait exploser les prix du gaz et de l’électricité, en les multipliant par 5 voire par 10 ces derniers mois. Pour accompagner les consommateurs dans ce contexte inédit de hausse des prix de l’énergie, résultant pour partie de la guerre en Ukraine, les ministres de l’Economie, de la Transition énergétique, de l’Industrie, et des Petites et Moyennes Entreprises ont reçu les fournisseurs d’énergie et leurs fédérations le 5 octobre.
Pour faire baisser les prix à court terme, le gouvernement rappelle qu’il a axé sa politique énergétique sur trois points :

  • la sobriété énergétique : la réduction de la consommation d’énergie doit permettre de tirer les prix vers le bas car le marché anticipe un risque de rupture qui n’est pas réel ;
  • le développement de la production d’électricité décarbonée, en accélérant notamment les projets d’énergies renouvelables ;
  • des réformes menées au niveau européen pour notamment découpler les prix du gaz et de l’électricité.

Des dispositifs d’accompagnement des consommateurs

Comme pour les particuliers, les TPE et les petites collectivités locales (employant moins de 10 salariés) bénéficient du bouclier tarifaire qui a permis de limiter la hausse des prix de l’électricité à 4 % en 2022 puis à 15 % en 2023, comme pour le gaz.

 
Des aides ciblées ont été mises en place pour les autres entreprises. Ces aides seront prolongées en 2023 et feront l’objet d’une nouvelle simplification. Un premier assouplissement a été opéré au 1er octobre pour permettre une progression des demandes. La France va demander à la Commission européenne de pouvoir doubler le montant des aides qui passerait à 4, 50 et 100 millions. Des aides plus massives devraient être versées à certaines entreprises fortement consommatrices d’énergie (dans les secteurs de la chimie, l’aluminium ou la métallurgie).
 
Actuellement, le guichet unique dispose d’une enveloppe de 3 milliards d’euros. Le gouvernement espère avoir 5 à 7 milliards d’euros supplémentaires en créant un mécanisme de rente infra marginale, via le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Ce dispositif consiste à plafonner le prix de l’électricité à 180 euros le MWh (montant validé par les ministres européens de l’énergie le 30 septembre dernier) pour les producteurs d’électricité nucléaire, issue de centrales à gaz ou à charbon ou d’énergies renouvelables. L’Etat récupéra la différence entre le prix de vente au prix du marché (actuellement à 500 € voire plus) et ces 180 €. L’objectif est d’éviter que les producteurs ne profitent de prix de marché délirants pour se constituer une rente.

 

Garantie de l’Etat pour réduire le risque de défaut de l’entreprise

L’Etat va mettre en place une garantie publique pour diminuer le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur. L’Etat viendra contre-garantir les cautions bancaires demandées lors de la souscription de contrats de fourniture d’énergie et réassurer les contrats de fourniture d’énergie couverts par des assureurs crédits. Cette garantie permettra de réduire les exigences des fournisseurs en matière de collatéraux et de dépôts de cautions lors de la signature de contrats. Elle facilitera ainsi l’accès de tous les consommateurs à un contrat. Cette garantie sera mise en œuvre dès le PLF 2023.
 
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) va publier un prix de référence de l’électricité pour plusieurs profils de consommateurs professionnels. Cet indicateur permettra aux entreprises et collectivités de comparer ce prix de référence avec l’offre reçue d’un fournisseur avant de s’engager.
Les 25 engagements des fournisseurs d’énergie pour faire face à la crise
Face à la multiplication des difficultés contractuelles entre les fournisseurs et les clients (prix exorbitants, visibilité insuffisante sur les contrats, révision unilatérale des contrats), de nombreux fournisseurs (EDF, Engie, TotalEnergies, GEG, Seolis, Soregies, Alterna Energies, ES énergies et UEM) et des associations de fournisseurs (AFIEG, UFE, UNELEG, ANODE, ELE) ont signé une charte. Le processus de signature va se poursuivre dans les prochains jours afin que l’ensemble des fournisseurs souscrivent à la charte, en particulier ceux des associations signataires.
 
Cette charte comprend 25 engagements, et notamment :

  • prévenir les clients entreprises et collectivités de la fin de validité de leur contrat 2 mois en avance pour leur permettre de comparer les offres ;
  • agir, sous certaines conditions, en fournisseur de dernier recours pour les entreprises et collectivités en proposant à tous les clients qui le demandent au moins un contrat. Aucune entreprise en difficulté ne doit se retrouver sans solution concrète pour sa fourniture d’énergie ;
  • favoriser la mise en place des facilités de paiement pour les entreprises ou collectivités locales qui le demandent et qui connaissent des difficultés ;
  • favoriser la mise en concurrence par une entreprises ou une collectivité locale des offres commerciales en proposant des offres commerciales à une date et heure convenues à l’avance (par exemple, la veille pour le lendemain midi) ou en visant une durée de validité des propositions commerciales la plus longue possible ;
  • privilégier des offres tenant compte des enjeux du système électrique qui rémunèrent par exemple une capacité d’effacement lorsque le système est en tension ou qui incite à une moindre consommation d’énergie ;
  • reverser dans les meilleurs délais les aides destinées aux consommateurs finaux, une fois la décision d’attribution de l’aide notifiée, et internaliser, lorsque cela est possible, tout ou partie de cette aide dans l’échéancier de paiement des clients éligibles pour réduire l’effort de trésorerie ;
  • informer les consommateurs sur les enjeux de sobriété et les mesures mises en place pour les accompagner ;
  • informer les professionnels sur la conjoncture des prix de l’énergie, notamment sur les écarts de prix de marché entre heure creuse/heure pleine et semaine vs week-end, ainsi que sur le panel de contrats-type disponibles, de manière adaptée à chaque segment de clientèle et répondant aux enjeux d’économies d’énergie ;
  • encourager les clients professionnels à mettre en place un outil de suivi et de pilotage de leur consommation d’énergie ;
  • s’engager à limiter autant que possible les contreparties financières demandées, compte tenu de la mise en place de la garantie publique ;
  • accompagner les clients professionnels les plus vulnérables.

 
Pour sanctionner les comportements abusifs de certains fournisseurs, des enquêtes confiées à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à la CRE vont se multiplier et pourront aboutir à des sanctions. Un amendement au PLF 2023 va permettre de doter la CRE de ces pouvoirs d’enquête et de sanction.

 

Gaëlle Guyard

© Lefebvre Dalloz