Les troubles psychologiques, deuxième cause des arrêts maladie en 2022

Selon le baromètre Malakoff Humanis sur l’absentéisme, présenté hier, les troubles psychologiques dépassent les troubles musculosquelettiques pour la première fois. Avec à la clef un temps plus long de rétablissement. Pour y remédier, les DRH misent sur deux leviers principaux, l’évolution des pratiques managériales et l’implication des salariés.

En apparence rien d’anormal : le taux d’absentéisme est constant dans les entreprises françaises. Il s’affiche à 42 % en 2022 comme en 2016 (41 %), après une baisse significative durant la crise sanitaire (36 % en 2020 et 38 % en 2021), selon Malakoff Humanis qui a sondé salariés et dirigeants pour cerner les arrêts maladies. Sauf qu’à y regarder de plus près, certains signaux inquiètent. Ce phénomène est particulièrement marqué chez les jeunes. 46 % des 18-34 ans se sont vu prescrire un arrêt maladie, cette année, alors qu’il demeure plutôt stable pour les seniors (34 %).

De même, l’absentéisme touche les femmes, davantage arrêtées que les hommes. L’écart se creuse même au fil des années, passant de six points en 2016 à 11 points en 2022. Autre tendance : les cadres n’échappent pas à ces absences, avec des taux de deux à cinq points au-dessus de la moyenne. Tout comme les salariés aidants ou encore les personnes élevant seules leurs enfants.

20 % des arrêts ont pour motif les troubles musculosquelettiques

Surtout de nouvelles tendances se confirment : des inquiétudes pèsent sur la santé mentale des collaborateurs. Les salariés ont dû se résoudre à faire une pause dans leur travail, en raison de troubles psychologiques. Lesquels constituent le deuxième motif d’arrêt en 2022 (20 % des arrêts, contre 11 % en 2016), après les maladies ordinaires, dépassant pour la première fois les troubles musculosquelettiques (16 %).

Parmi les causes, les salariés mettent en avant les exigences de leur travail, des problèmes liés aux pratiques managériales, l’environnement et les rapports sociaux au travail, les difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle ou encore des conflits de valeur avec celles de l’entreprise. Des raisons que les dirigeants réfutent, attribuant davantage ces absences à des raisons externes, notamment le contexte personnel, familial, compliqué du salarié.

Un dirigeant sur trois estime que les arrêts vont augmenter dans les deux prochaines années

Reste que l’absentéisme inquiète. D’autant qu’avec la montée des troubles psychologiques, les arrêts s’allongent. Leur durée moyenne est de 97 jours. Les grandes entreprises sont particulièrement pénalisées, tout comme, côté secteur, l’industrie, le BTP et la santé. Les coûts ont également grimpé depuis deux ans, qu’il s’agisse des coûts directs (liés à la prise en charge du salaire du salarié absent) ou indirects (coûts de remplacement, de gestion, de perte de productivité, coûts sociaux…). Et l’optimisme n’est guère de mise : un dirigeant sur trois estime que les arrêts vont avoir tendance à augmenter dans les deux prochaines années.

Les indicateurs sont d’ailleurs scrupuleusement observés : tableaux de bord ad hoc, dispositifs de contrôle médical et actions de prévention font partie de l’arsenal des DRH pour mieux cerner le phénomène.

Les actions de prévention progresse en entreprise

Parmi les actions jugées efficaces, les DRH ne manquent pas d’idées. Plus de la moitié des professionnels sondés (57 %) mettent en avant une meilleure prise en compte des attentes et des aspirations des salariés, (notamment des efforts pour favoriser une meilleure conciliation des temps de vie, un management plus positif, une quête de sens). La moitié se dit également favorable à un accompagnement des salariés vulnérables et des seniors, en proposant des conditions de travail en adéquation avec leurs souhaits. La prévention des risques psychosociaux constitue également la priorité de 45 % des DRH sondés. Avec à la clef, une attention particulière portée aux signes avant-coureurs (répétition d’arrêts courts, signaux faibles…). D’ailleurs 40 % d’entre eux, ont mis en place une formation sur les nouveaux risques, comme les risques liés aux nouveaux modes de travail, à la transformation des métiers, aux nouvelles technologiques ou encore aux pratiques managériales.

Les salariés l’admettent : les actions de prévention pour prévenir les arrêts maladie progresse dans les entreprises.

Dans l’immédiat, les DRH comptent toutefois agir sur deux principaux leviers : l’évolution des pratiques managériales et l’implication des salariés. Car si l’heure n’est pas à la "grande démission", en référence au "big quit" américain, d’autres craintes ne sont pas à minorer. En premier lieu, le désengagement des collaborateurs. Selon l’enquête, près de quatre salariés sur 10 se déclarent "pas ou peu engagés dans leur travail", en moyenne sur la période 2018-2022. Ce désengagement a même augmenté entre 2020 et 2022, passant de 35 % à 39 %.

Or, l’étude établit ici une corrélation entre motivation et absentéisme : 50 % des salariés peu engagés ont été arrêtés en 2022, contre 42 % pour l’ensemble des salariés. Des points de vigilance à ne pas négliger !

 

Anne Bariet

© Lefebvre Dalloz